LA S�CURIT� HUMAINE:

LA S�CURIT� DES INDIVIDUS
DANS UN MONDE EN MUTATION

(Avril 1999)

Department of Foreign Affairs and International Trade / Minist�re des Affaires �trang�res et du Commerce international


TABLE DES MATI�RES

Avant-propos

  1. La n�cessit� d’une nouvelle approche � la s�curit�
  2. L’origine du concept de s�curit� humaine
  3. D�finir la s�curit� humaine – un angle de vision diff�rent
  4. Un compl�ment n�cessaire de la s�curit� nationale
  5. Un environnement propice au d�veloppement humain
  6. Les cons�quences pour la politique �trang�re
  7. Vers un programme pour la s�curit� humaine

Avant-propos

Depuis plus de deux ans maintenant, je fais la promotion d'une strat�gie politique internationale qui devrait inclure la notion de s�curit� humaine. La nature changeante des conflits violents et l’intensification de la mondialisation placent de plus en plus l’individu au cœur des affaires mondiales. Sous l’effet de ces changements, la s�curit� de l’individu - c'est-�-dire la s�curit� humaine - devient un nouvel �talon de mesure de la s�curit� mondiale et imprime une nouvelle impulsion a l’action internationale.

Comme c'est souvent le cas dans l’�tablissement des politiques gouvernementales, la pratique a pr�c�d� la th�orie. La communaut� internationale a accord� un formidable appui aux efforts en faveur d'une s�curit� humaine accrue, y compris la Convention d'Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel et le Trait� de Rome instituant la Cour criminelle internationale. Comme la notion de s�curit� humaine gagne du terrain, il convient de pr�ciser ce qu'au juste elle signifie.

l’objectif du pr�sent �nonc� conceptuel consiste � fournir une d�finition de la s�curit� humaine, a pr�senter les raisons qui justifient une orientation ax�e sur la s�curit� humaine et a �claircir le rapport de cette derni�re avec la s�curit� nationale et le d�veloppement humain. Bien entendu, il est essentiel que le concept de s�curit� humaine soit largement accept� dans le public.


Lloyd Axworthy
Ministre des Affaires �trang�res
Ottawa, Canada
le 29 avril 1999


I. LA N�CESSIT� D’UNE NOUVELLE APPROCHE � LA S�CURIT�

Depuis la fin de la guerre froide, la s�curit� de la majorit� des �tats s'est am�lior�e, alors que celle de la population mondiale s'est d�t�rior�e.

La fin de la confrontation entre les superpuissances s'est traduite par une s�curit� accrue pour les �tats qui subissaient le contrecoup de cette rivalit�. Cependant, au cours de cette d�cennie, nous avons vu �clater de nouveaux conflits civils et se commettre des atrocit�s � grande �chelle. Nous avons m�me assist� � des g�nocides. La mondialisation procure de nombreux avantages, mais elle s'accompagne aussi d'une recrudescence des crimes avec violence, du trafic des stup�fiants, du terrorisme, de la propagation des maladies et de la d�gradation de l’environnement. De toute �vidence, cela apporte un d�menti a l’hypoth�se selon laquelle la s�curit� des individus d�coule de la s�curit� des �tats.

La s�curit� entre les �tats demeure une condition n�cessaire a la s�curit� des individus. L’objectif premier de la s�curit� nationale consiste � pr�server l’int�grit� territoriale et la souverainet� politique contre les agressions externes. Bien que leur fr�quence diminue, les guerres entre �tats constituent toujours une menace, et il convient de ne pas sous-estimer leurs cons�quences �ventuelles. En raison des progr�s technologiques et de la prolif�ration des armes, les futures guerres entre �tats feront un nombre effarant de victimes parmi les civils. Par contre, la s�curit� de l’�tat ne suffit pas a garantir la s�curit� des populations.

Un nombre grandissant de conflits arm�s consistent en des conflits internes, par opposition aux conflits entre �tats. Dans ces guerres civiles, les factions bellig�rantes sont souvent des forces irr�guli�res � la hi�rarchie floue, fr�quemment divis�es sur le plan ethnique ou religieux. Les armes l�g�res sont devenues les armes de pr�dilection, et huit victimes sur dix sont des non-combattants. Autrefois assimil�s � de simples pertes accessoires, les civils sont projet�s a l’�picentre des conflits contemporains.

Les populations affect�es par des conflits arm�s ne sont pas les seules � �tre davantage expos�es a la violence, car ce ph�nom�ne est directement li� A l’�rosion de l’autorit� de l’�tat. Ce recul se r�v�le des plus �vidents dans les �tats en faillite, dont les gouvernements sont tout simplement incapables d'assurer ne serait-ce qu'une s�curit� �1�mentaire aux populations menac�es par des seigneurs de la guerre et des bandits. La contestation de l’autorit� de l’�tat peut aussi se manifester par l’expansion du crime organis�, du trafic des stup�fiants et du recours accru des forces de s�curit� priv�es.

Un nombre grandissant de menaces transnationales pr�sent �galement sur la s�curit� des individus. Dans un monde chaque jour plus interd�pendant, la vuln�rabilit� – quoique in�gale - nous est commune. L’ouverture des march�s, la croissance du commerce mondial et la r�volution des communications pr�sentent de grands avantages, mais elles rendent aussi les fronti�res plus perm�ables a de multiples dangers. Un nombre croissant de menaces pour la sant� des populations - du transport de polluants a grande distance aux maladies infectieuses - sont des ph�nom�nes mondiaux, tant par leur origine que par leurs effets. Des bouleversements �conomiques dans une partie du monde peuvent rapidement provoquer des crises dans une autre, entra�nent des cons�quences d�sastreuses pour la s�curit� des plus vuln�rables.

Ces grandes tendances ne sont manifestement pas l’apanage des ann�es 1990. Chacune d'elles s'est intensifi�e ces derni�res d�cennies. Cependant, pendant les 40 ann�es de rivalit� entre les superpuissances, la menace d'une confrontation nucl�aire et les luttes id�ologiques occup�rent le premier rang des priorit�s en mati�re de s�curit�. Par cons�quent, l’existence de ces autres probl�mes n'est largement reconnue que depuis quelques ann�es. Au-del� du cadre dans lequel nous confinait jadis la guerre froide, il est maintenant opportun de concevoir une d�marche globale et syst�matique visant a renforcer la s�curit� des personnes.

II. L’ORIGINE DU CONCEPT DE SECURITE HUMAINE

Le terme << s�curit� humaine >> est sans doute r�cent, mais les id�es qui le sous-tendent sont loin d'�tre nouvelles. Depuis plus d'un si�cle - au moins depuis la fondation du Comit� international de la Croix-Rouge, dans les ann�es 1860 -, une doctrine reposant sur la s�curit� des individus gagne du terrain. Ses �1�ments cl�s furent officialis�s dans les ann�es 1940, dans la Charte des Nations Unies, la D�claration universelle des droits de Moraine et les Conventions de Gen�ve.

L’expression m�me de s�curit� humaine est le plus souvent associ�e au Rapport du PNLJD sur le d�veloppement humain de 1994, qui essayait de cerner les dividendes de la paix au lendemain de la guerre froide pour r�orienter les ressources d�gag�es vers les objectifs du d�veloppement. La d�finition avanc�e dans le rapport �tait extr�mement ambitieuse, la s�curit� humaine �tant la somme de sept �1�ments distincts, soit la s�curit� �conomique, la s�curit� alimentaire, la s�curit� dans le domaine de la sant�, la s�curit� de l’environnement, la s�curit� personnelle, la s�curit� collective et la s�curit� politique. En mettant l’accent sur les personnes et en insistant sur les menaces non traditionnelles, le PNLTD a beaucoup contribu� a la r�flexion de l’apr�s-guerre froide sur la s�curit�.

En raison de la port�e m�me de son champ d'application, il est difficile d'utiliser l’optique adopt�e par le PNUD comme instrument d'�1aboration de politiques. Fait tout aussi important, en insistant sur les menaces li�es au sous-d�veloppement, le Rapport passait largement sous silence l'ins�curit� humaine persistante qui r�sulte des conflits violents. Or, d'apr�s les crit�res du PNUD, l’ins�curit� humaine est plus grande en temps de guerre. Sur les 25 pays qui se classent derniers a l’indice du d�veloppement humain pour 1998, plus de la moiti� subissent les cons�quences directes ou indirectes de conflits violents. Pendant les �tapes pr�paratoires du Sommet de Copenhague en 1995 sur le d�veloppement humain, il a �t� propos� de faire de la d�finition que donnait le PNUD de la s�curit� humaine un concept cl�, mais l'id�e a finalement �t� rejet�e durant le Sommet et peu utilis�e par la suite.

Au cours des deux derni�res ann�es, le concept de s�curit� humaine a �t� de plus en plus centr� sur le co�t humain des conflits violents. A cet �gard, la pratique a pr�c�d� la th�orie. Deux initiatives en particulier, soit la campagne pour l’interdiction des mines terrestres antipersonnel et les efforts visant la cr�ation de la Cour criminelle internationale, d�montr�rent le potentiel d'une approche de la s�curit� ax�e sur les individus. Les mines terrestres antipersonnel repr�sentent un bon exemple de menace contre la s�curit� des individus. Elles ne contribuent que de fa�on marginale � la s�curit� des �tats, mais elles ont un effet d�vastateur sur les personnes ordinaires qui essaient de reconstruire leur vie dans des soci�t�s d�chir�es par la guerre. Par ailleurs, la Cour criminelle internationale �tablit un m�canisme qui permet de juger les responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanit�, et elle devrait �galement permettre d'emp�cher que les gouvernements et les autres participants aux conflits commettent des exactions contre les populations. Les deux mesures sont pratiques, et elles constituent des applications importantes du concept de s�curit�' humaine.

III. D�FINIR LA S�CURIT� HUMAINE - UN ANGLE DE VISION DIFF�RENT

Essentiellement, la s�curit� humaine signifie la protection des individus contre les menaces, qu'elles s'accompagnent ou non de violence. Il s'agit d'une situation, ou d'un �tat, se caract�risant par l’absence d'atteintes aux droits fondamentaux des personnes, a leur s�curit�, voire � leur vie. Du point de vue de la politique �trang�re, la s�curit� humaine peut �tre per�ue comme un changement de perspective. Il s'agit en fait d'une vision diff�rente du monde qui, loin de privil�gier exclusivement la s�curit� du territoire ou des gouvernements, �tablit l’individu comme point de r�f�rence. Comme pour toutes les autres formes de s�curit� - nationale, �conomique, alimentaire - il s'agit de protection. La s�curit� humaine implique des mesures pr�ventives pour diminuer la vuln�rabilit� et r�duire les risques au minimum et aussi, lorsque les mesures pr�ventives ne suffisent pas, de prendre des mesures pour rem�dier a la situation.

La liste des menaces potentielles � la s�curit� humaine ne doit pas �tre conque de fa�on restrictive. S'il est �vident que la s�curit� des individus est gravement menac�e lors des conflits arm�s, il ne faut pas croire pour autant que la s�curit� humaine se ram�ne simplement � l’action humanitaire. Elle fait ressortir la n�cessit� de s'attaquer aux causes profondes de l'ins�curit� et de contribuer a assurer la s�curit� des personnes dans l’avenir. Plusieurs questions, telles que les violations flagrantes des droits de la personne, la d�gradation de l’environnement, le terrorisme, la criminalit� transnationale organis�e, la violence fond�e sur le sexe, les maladies infectieuses et les catastrophes naturelles, contiennent elles aussi de fortes connotations de s�curit� humaine. La propagation des troubles sociaux et des violences qui accompagnent souvent les crises �conomiques d�montre clairement que les facteurs �conomiques ont des implications sur la s�curit� humaine. Pour �tablir si une question donn�e m�rite d'�tre �nonc�e en termes de s�curit� humaine, il convient de d�terminer dans quelle mesure la s�curit� des individus est en danger.

IV. UN COMPL�MENT N�CESSAIRE DE LA S�CURIT� NATIONALE

La s�curit� humaine ne supplante pas la s�curit� nationale. En attirant l’attention sur la s�curit� de l'individu, elle fait valoir l’importance de consid�rer la s�curit� de l’�tat non comme une fin en sol, mais plut�t comme un moyen de garantir la s�curit� de la population. Dans cette perspective, la s�curit� humaine et la s�curit� de l’�tat se compl�tent l'une l’autre. L’�dification d'un �tat d�mocratique et efficace, qui reconna�t la valeur de sa population et prot�ge les minorit�s, est un �1�ment essentiel de la strat�gie de promotion de la s�curit� humaine. Par ailleurs, l’am�lioration de la s�curit� humaine de la population renforce la 1�gitimit�, la stabilit� et la s�curit� de l’�tat. Lorsqu'un �tat est agressif � l’�tranger, r�pressif � l’int�rieur, ou trop faible pour gouverner efficacement, il menace la s�curit� de la population. En revanche, la l� o� la s�curit� humaine est une r�alit� plut��t qu'une aspiration, cela refl�te dans une large mesure une gestion efficace des affaires de l’�tat.

Du point de vue de la s�curit� humaine, l’int�r�t port� a la s�curit� des individus transcende les fronti�res de l’�tat. Le fait d'�tendre la port�e de la politique de s�curit� au-del� des citoyens de l’�tat peut para�tre de prime abord comme un changement radical d'orientation, mais il s'agit en fait d'une extension logique des approches actuelles concernant la paix et la s�curit� internationales. Selon la Charte des Nations Unies, la s�curit� ne peut �tre atteinte par un seul �tat pris isol�ment. Les termes << paix et s�curit� internationales >> veulent dire que la s�curit� d un �tat d�pend de la s�curit� d'autres �tats. La perspective de la s�curit� humaine poursuit la m�me logique, �tant admis que la s�curit� des personnes dans une partie du monde d�pend de la

s�curit� des personnes ailleurs dans le monde. Un ordre mondial stable et s�r se b�tit � la fois du haut vers le bas et du bas vers le haut. La s�curit� des �tats ainsi que le maintien de la paix et de la s�curit� internationales s'�difient ultime-ment sur des fondations faites d'individus vivant en s�curit�.

V. UN ENVIRONNEMENT PROPICE AU D�VELOPPEMENT HUMAIN

La s�curit� humaine et le d�veloppement humain sont des concepts qui se renforcent mutuellement, tout en �tant distincts. M�me le Rapport du PNUD, qui propose pourtant une d�finition tr�s large de la s�curit� humaine, ne laisse planer aucun doute sur cette diff�rence de sens. La s�curit� humaine et le d�veloppement humain convergent vers un double objectif: lib�rer les individus de la peur et du besoin.

La libert� d'action peut �tre entrav�e tant par une peur que par l’autre; pour les membres de la soci�t� les plus d�munis et les plus vuln�rables, la pauvret� et l'ins�curit� forment un cercle vicieux. Pour sortir de ce cercle, il faut des mesures qui favorisent le d�veloppement humain, notamment par l’acc�s a des emplois stables, a l’�ducation et aux services sociaux. Mais il faut �galement des mesures pour promouvoir la s�curit� humaine en assurant la protection contre la criminalit� et la violence politique, le respect des droits de la personne, y compris les droits politiques, et l’acc�s �quitable a la justice. L’absence de telles garanties de s�curit� humaine constitue un obstacle de taille pour le d�veloppement humain. Quel que soit leur revenu, si les personnes doutent de la capacit� de la. soci�t� a les prot�ger, As seront peu enclins a investir dans l’avenir. L’optique du d�veloppement fait bien ressortir les avantages du concept, en l’occurrence la possibilit� offerte par la s�curit� humaine de lib�rer le potentiel de croissance.

La s�curit� humaine cr�e un contexte propice au d�veloppement humain. L� o� la violence ou les risques de violence emp�chent d'accomplir des progr�s significatifs dans l’atteinte des objectifs de d�veloppement, il est essentiel d'accro�tre la s�curit� des personnes. La promotion du d�veloppement humain peut �galement faire progresser consid�rablement la s�curit� humaine. En s'attaquant aux in�galit�s, qui sont souvent les causes profondes des conflits violents, en renfor�ant les structures de la gestion des affaires publiques, et en fournissant aussi une aide humanitaire, l’aide au d�veloppement compl�te les initiatives entreprises sur les plans politique, juridique et militaire pour consolider de la s�curit� humaine.

VI. LES CONS�QUENCES POUR LA POLITIQUE �TRANG�RE

La s�curit� humaine fournit un �talon de mesure pour l’�valuation des effets des politiques et des pratiques sur la s�curit� des individus. Il s'en d�gage plusieurs cons�quences significatives pour la politique �trang�re.

Premi�rement, lorsque les circonstances le justifieront, il sera n�cessaire d'intervenir �nergiquement pour d�fendre les objectifs de s�curit� humaine. La s�curit� humaine peut en effet impliquer le recours a des mesures coercitives, y compris des sanctions et des interventions militaires, comme en Bosnie et au Kosovo.

Deuxi�mement, il est essentiel d'�valuer de fa�on explicite le co�t humain des strat�gies visant a promouvoir la s�curit� de l’�tat et la s�curit� internationale. Cette orientation s'inscrit dans la tradition du mouvement revendicateur du XIXe si�cle contre le recours a des armes inhumaines, mais elle demeure toujours pertinente, comme en t�moigne la r�cente campagne visant l’interdiction des mines terrestres antipersonnel. D'autres politiques relatives a la s�curit�, comme l'imposition de sanctions �conomiques globales, devraient �galement tenir compte de leur incidence sur les personnes innocentes.

Troisi�mement, les politiques relatives a la s�curit� doivent �tre beaucoup plus �troitement int�gr�es aux strat�gies appuyant les droits de la personne, la d�mocratie et le d�veloppement. Les droits de la personne, le droit humanitaire et le droit des r�fugies constituent le cadre normatif d'une approche ax�e sur la s�curit�' humaine. Les strat�gies de d�veloppement offrent des moyens d'action de port�e g�n�rale qui permettent de s'attaquer a de nombreux probl�mes de s�curit� humaine a long terme. Le fait de contribuer a l’�laboration d'une politique �trang�re ax�e sur les individus est un des dividendes d'une orientation favorisant la s�curit� humaine.

Quatri�mement, �tant donn� la complexit� des d�fis contemporains a la s�curit� des individus, les initiatives en ce domaine doivent, pour �tre efficaces, faire appel a une gamme d'acteurs, y compris les �tats, les organisations multilat�rales et les groupes de la soci�t� civile. Comme les probl�mes qui menacent la s�curit� des personnes sont de nature transnationale, seule la coop�ration multilat�rale permet de trouver des solutions efficaces. En t�moigne la batterie de nouveaux instruments internationaux �1abor�s au cours de la derni�re d�cennie pour lutter contre la criminalit� organis�e transnationale, le trafic des stup�fiants, le terrorisme et la d�gradation de l’environnement. Sous l’effet de ces menaces, les int�r�ts des citoyens des pays jouissant d'un haut niveau de s�curit� humaine se trouvent 11�s a ceux des habitants des pays beaucoup plus pauvres, pour qui la s�curit� fait l'objet d'un plus grand nombre de menaces.

Cinqui�mement, 1'efficacit� des solutions d�pendra d'une plus grande coordination op�rationnelle. Par exemple, les op�rations r�ussies de maintien de la paix comportent plusieurs dimensions et reposent sur une coordination �troite des efforts des diff�rents acteurs, y compris les n�gociateurs politiques, les casques bleus, les observateurs des droits de la personne et les responsables de l’aide humanitaire. Qui plus est, les organismes de d�veloppement participent maintenant a la promotion de la r�forme du secteur de la s�curit�, tandis que les organisations s'occupant de s�curit� aident a acheminer l’aide au d�veloppement dans les pays se relevant d'un conflit. Un des grands d�fis de la strat�gie de s�curit� humaine consiste a g�rer le chevauchement des mandats et des objectifs.

Sixi�mement, les organisations de la soci�t� civile cherchent a assumer un r�le et des responsabilit�s accrus dans la promotion de la s�curit� humaine. Dans plusieurs cas, les organisations non gouvernementales ont prouv� qu'elles �taient des partenaires extr�mement efficaces dans les efforts pour d�fendre la s�curit� des individus. Elles fournissent �galement une aide et une protection importantes aux personnes qui en ont le plus besoin. De plus, le milieu des affaires, acteur potentiel important du renforcement de la s�curit� humaine, pourrait �tre plus concr�tement engag�.

VII. VERS UN PROGRAMME POUR LA S�CURIT� HUMAINE

La s�curit� humaine offre une perspective nouvelle et fournit un �talon de mesure de port�e g�n�rale pour 1'�valuation des politiques. Elle s'ouvre �galement sur un train d'applications concr�tes dans le domaine de la politique �trang�re. Le fait de se concentrer syst�matiquement sur la s�curit� des personnes fait ressortir la n�cessit� d'accorder une attention accrue aux grandes questions auxquelles la communaut� internationale ne s'int�resse pas encore suffisamment. La prolif�ration des armes 1�g�res et le manque de protection flagrant dont souffrent les enfants pendant les conflits arm�s illustrent bien ce genre de lacune.

En rendant les individus moins vuln�rables et en pr�venant les situations qui les rendent vuln�rables, la s�curit� humaine se trouve renforc�e. Aider les individus dans des situations o� la s�curit� est gravement menac�e, notamment au milieu d'un conflit violent, est un objectif central de la s�curit� humaine. 11 y a longtemps que la communaut� internationale se pr�occupe du sort des r�fugi�s. Or, une attention semblable a la vuln�rabilit� de certains indique les besoins imm�diats des populations d�plac�es dans leur propre pays et des combattants d�mobilis�s. Par ailleurs, une strat�gie pour la s�curit� humaine doit d�border du cadre de l’action humanitaire en s'attaquant aux sources de l’ins�curit� des individus. En cons�quence, pour faire progresser la s�curit� humaine, il convient de mener une action humanitaire a court terme et de mettre en œuvre des strat�gies a plus long terme, centr�es sur 1'�dification de la paix et la promotion du d�veloppement durable.

Deux strat�gies fondamentales pour accro�tre la s�curit� humaine consistent a renforcer les normes juridiques et A cr�er la capacit� de les faire respecter. Il est aussi n�cessaire de cr�er de nouvelles normes pour r�duire le trafic illicite des armes 1�g�res, interdire l'utilisation et le recrutement des enfants-soldats, prohiber 1'exploitation de la main-d’œuvre enfantine, mieux prot�ger les populations d�plac�es dans leur propre pays et permettre l’applicabilit� des normes juridiques aux acteurs non �tatiques, de m�me qu’aux actes violents qui n'ont toutefois pas l’ampleur d'un conflit arm�.

Par contre, si les soci�t�s n’ont pas la capacit� de faire respecter les normes actuelles ni celle de prot�ger des droits d�j� reconnus, il est inutile de d�finir de nouvelles normes et de nouveaux droits. A ce titre, l’am�lioration de la gestion, selon des principes d�mocratiques, des affaires des �tats, est au cœur des efforts pour faire progresser la s�curit� humaine. Il en va de m�me du renforcement de la capacit� des organisations internationales, en particulier les Nations Unies, de, remplir les mandats convenus. Pourtant, les activit�s de protection devant �tre men�es dans le cadre des op�rations mandat�es par les Nations Unies augmentent, alors que la capacit� de celles-ci d'organiser et de financer de telles op�rations diminue.

Cr�er une capacit� institutionnelle sans accro�tre le respect des normes ne ferait que nuire a 1'�tablissement d'une norme de s�curit� ax�e sur la dimension humaine. Renforcer les normes sans cr�er la capacit� de les prot�ger ne ferait qu'engendrer un d�sillusionnement certain quant aux: chances que le droit 1'emporte sur l’arbitraire du pouvoir. Ces deux strat�gies sont essentielles si nous voulons favoriser l’av�nement d'un monde plus humain.

Department of Foreign Affairs and International Trade / Minist�re des Affaires �trang�res et du Commerce international

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